Les responsabilités du ministre délégué à la transformation numérique du Québec ont été modifiées récemment en vue d’y inclure l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels. Sans qu’il s’agisse d’un changement institutionnel, cet élargissement pourrait-il devenir un levier pour améliorer la gouvernance de l’information?
Directement et indirectement, la gouvernance de l’information fait couler beaucoup d’encre. Les travaux de recherche portant sur la gestion de l’information, sur l’usage des technologies qui la supportent ou encore les faits et événements rapportés dans l’actualité montrent qu’il s’agit d’un enjeu de plus en plus présent mais souvent mal compris. Pourtant, la gouvernance de l’information est un élément clé pour qui veut harnacher le potentiel techno-informationnel d’aujourd’hui. Avec les années, la gestion de l’information en est venue à être prise pour acquise et à être considérée comme un problème de deuxième ordre. Depuis peu, trois facteurs ont contribué à bouleverser les acquis et cette posture. Ces facteurs sont l’augmentation des interventions de l’État et le besoin grandissant de données pour administrer ses programmes; une reddition de comptes plus exigeante avec des lois d’accès à l’information pour l’appuyer; et, des technologies de l’information et des communications puissantes mais surtout structurantes qui forcent à changer les manières de travailler des organisations.
Ces changements ont engendré des questionnements autour des lois, des politiques et des pratiques accumulées au fil du temps et qui avaient été développées dans le but de résoudre des enjeux souvent bien définis voire pointus. Aujourd’hui, il en résulte que les approches face à l’information sont éclatées : technologies, documentation, archivage, accès et protection des renseignements sont souvent traités de manière indépendantes et autoportantes. Plusieurs recherches montrent que l’information en contexte numérique peut contribuer à améliorer l’efficacité et la performance des organisations si les technologies qui la portent sont utilisées habilement. Toutefois, les diverses postures construites au fil des années pour répondre aux enjeux informationnels font souvent obstacle à une telle possibilité parce qu’elles limitent la capacité des institutions à traiter l’information et la technologie comme un tout au service de l’organisation. Par exemple, les défenseurs de la protection des renseignements font souvent obstacle aux croisements et au partage de données et ce, même lorsque ce partage pourrait être bénéfique pour le citoyen. L’accès à l’information a réduit la discrétion de gestion et a ébranlé sérieusement l’application du devoir de documenter. Enfin, les technologies de l’information et des communications et la bureautique ont éliminé la rigueur documentaire attendue des organisations publiques. Ces exemples montrent la nécessité de penser l’information et les technologies de l’information et de la communication qui la portent de manière intégrée. Ceci permettrait d’assurer que l’ensemble des lois, des politiques et des pratiques autour de l’information et des données transcende les divers intérêts et perspectives et assure l’application du principe de cohérence.
C’est pourquoi si le récent changement peut soulever certaines questions quant aux risques inhérents de conjuguer les responsabilités de la protection des renseignements personnels à celles de la promotion du partage des données et du gouvernement ouvert; on peut aussi y voir une lueur d’espoir pour une meilleure intégration des outils permettant d’améliorer la gouvernance de l’information au bénéfice de tous.
Daniel J. Caron PhD
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